La nouvelle donne documentaire amène à relire les "grands ancêtres" des années 60 et 70. Quelques citations rencontrées la semaine dernière, qui font réseau:
1. Gilles Deleuze et Felix Guattari sur le livre et le réseau dans Rhizome (1976):
Il n’y a pas de différence entre ce dont un livre parle et la manière dont il est fait. Un livre n’a donc pas davantage d’objet. En tant qu’agencement, il est seulement lui-même en connexion avec d’autres agencements, par rapport à d’autres corps sans organes. On ne demandera jamais ce que veut dire un livre, signifié ou signifiant, on ne cherchera rien à comprendre dans un livre, on se demandera avec quoi il fonctionne, en connexion de quoi il fait ou non passer des intensités, dans quelles multiplicités il introduit et métamorphose la sienne, avec quels corps sans organes il fait lui-même converger le sien. Un livre n’existe que par le dehors et au-dehors. Ainsi, un livre étant lui-même une petite machine, dans quel rapport à son tour mesurable cette machine littéraire est-elle avec une machine de guerre, une machine d’amour, une machine révolutionnaire, etc… (p. 10-11).
(via Reprises)
2. Michel Foucault sur l'archive, dans Sur l'archéologie des sciences (1968):
Par archive, j’entends d’abord la masse des choses dites dans une culture, conservées, valorisées, réutilisées, répétées et transformées. Bref toute cette masse verbale qui a été fabriquée par les hommes, investie dans leurs techniques et leurs institutions, et qui est tissée avec leur existence et leur histoire. Cette masse de choses dites, je l’envisage non pas du côté de la langue, du système linguistique qu’elles mettent en œuvre, mais du côté des opérations qui lui donnent naissance. (…) C’est, en un mot, (…) l’analyse des conditions historiques qui rendent compte de ce qu’on dit ou de ce qu’on rejette, ou de ce qu’on transforme dans la masse des choses dites.
(via article de Gabriel Gallezot et Olivier Ertzscheid sur ArchivesSIC)
3. Michel Foucault sur le livre et le réseau, ibidem:
aucun livre ne peut exister par lui-même; il est toujours dans un rapport d’appui et de dépendance à l’égard des autres; il est un point dans un réseau; il comporte un système d’indications qui renvoient - explicitement ou non - à d’autres livres, ou à d’autres textes, ou à d’autres phrases.
Quelques commentaires personnels dans le billet de bibliothécaire, que GG m'a persuadé de transposer ici.
MR
Je me suis toujours méfié de la philosophie dite continentale, en particulier quand elle est appliquée à une activité concrète comme la documentation.
Ce qui n'est pas la même chose que de se méfier de la théorie, mais bon, c'est tout un autre débat.
Je pense que pour la documentation et sa "nouvelle donne" quelques lectures de philosophie analytique ne nous feraient pas de mal. Un bon rasoir d'Ockham...
Rédigé par : Nicolas | 18 septembre 2006 à 14:45
Nicolas, moi aussi je me méfie de la philosophie continentale, peut-être pas depuis toujours mais je suis plus vieux et les modes existent aussi en philosophie. Je ne sais pas si tu as lu le billet sur mon blogue, si tu l'as fait, tu auras remarqué que je fais allusion aux impasses de ce que tu appelles la philosophie continentale.
Ceci dit, la correspondance des modèles dessinés dans ces citations à la situation actuelle ne te semble pas intéressante et stimulante?
Je pense au modèle horizontal du rizhome contre celui vertical de l'arbre, du livre comme point de réseau... aussi à la mise en cause du statut de l'auteur comme sujet du discours (mais c'est ici que je crois que l'expérience contemporaine peut faire retour sur les théorisations des années 60-70: loin d'évacuer l'individu-sujet du discours les pratiques nouvelles le multiplient...).
Rédigé par : Michel | 19 septembre 2006 à 17:41
Si si, c'est vrai qu'en l'espèce les citations en questions sont intéressantes. Surtout celles de Foucault.
C'était juste une pique, un peu gratuite, sur la philosophie continentale. Et c'est vrai qu'il y a des modes là-dessus aussi. Mais malgré les modes, la philo analytique reste très minoritaire en France. Mais encore une fois c'est un autre débat...
Rédigé par : Nicolas Morin | 21 septembre 2006 à 12:01
Cette "Re-lecture" n'en finit pas de se ...refaire. Ce sont justement les auteurs américains ( Cf . Hypertext 2.0 de george Landow...de 1992 , je crois!!!) qui ont alerté sur cette convergence entre théorie textuelle (ou du Discours) et technologies de l'information. Cf aussi mes modestes contributions foucaldiennes à partir de 1995, dans Archivesic, dont "La bibliothèque de Michel Foucault" Amitiés
Yannick Maignien
Rédigé par : yannick Maignien | 30 octobre 2006 à 18:07